Garde à vue de Brédoumy Soumaïla : Jusqu'où va l'immunité parlementaire en Côte d'Ivoire ?

Jeudi 27 Novembre 2025

Le parquet place en garde à vue le porte-parole du PDCI Brédoumy Soumaïla malgré son statut de député. Sa défense dénonce une atteinte à la Constitution.


Le député PDCI Brédoumy Soumaïla placé en garde à vue à Abidjan malgré son immunité parlementaire © Crédit photo DR
L'immunité parlementaire Brédoumy devient le cœur d'un bras de fer judiciaire à Abidjan. Mercredi 26 novembre au matin, le député du PDCI-RDA est convoqué à la préfecture de police. Il arrive à 10h30, flanqué du bâtonnier Luc Adjé et de Me Jean-Chrysostome Blessy. L'audition tourne court : ses avocats rappellent que l'Assemblée nationale siège en ce moment même. Or, la Constitution interdit d'entendre un parlementaire sans lever d'abord son immunité. L'officier de police saisit sa hiérarchie, puis le parquet. La réponse tombe : « Nous sommes en flagrant délit. »

Pour Me Blessy, la surprise est totale. Comment peut-on parler de flagrant délit pour des faits qui remontent à plusieurs mois ? Brédoumy est visé pour des déclarations et des actes liés aux violences d'octobre dernier. « On ne peut pas, quatre, cinq, six mois après, ouvrir une procédure et parler encore de flagrant délit », lâche l'avocat. Pourtant, le parquet maintient sa position. Face aux accusations qui pèsent sur lui – « actes terroristes », « complot contre l'autorité de l'État » –, le député exerce son droit au silence. Il refuse de « se rendre complice de la violation de l'immunité parlementaire ». La garde à vue est notifiée pour 48 heures, prorogeable de 24 heures.

Un retour au pays qui tourne au cauchemar

Dimanche 23 novembre, Soumaïla Brédoumy débarque à Abidjan après des mois passés en France. Le candidat aux législatives du 27 décembre pensait pouvoir lancer sa campagne. Dès le mardi, une convocation atterrit au siège du PDCI à Cocody. Le cas de l'immunité parlementaire Brédoumy devient alors un test pour l'État de droit ivoirien. Les avocats expliquent aux enquêteurs les trois situations où le flagrant délit s'applique : arrestation en pleine action, découverte d'objets liés à l'infraction, ou poursuite par la foule. Rien de tout ça ici.

Le parquet ne cède pas. Pour lui, la gravité des accusations et leur lien avec les troubles récents justifient cette qualification. Onze chefs d'inculpation sont retenus : appel à l'insurrection, à la haine et à la xénophobie, vol, incendie volontaire, incitation au meurtre, atteinte à la sûreté de l'État, atteinte à l'ordre public, incitation à la révolte, inobservation d'une décision administrative, dénonciation calomnieuse. « Monsieur Brédoumy est poursuivi pour toutes les infractions qui existent dans le code pénal ivoirien », ironise Me Blessy. Une liste qui ressemble à un inventaire pénal complet.

Un précédent qui inquiète toute l'opposition

L'affaire dépasse le seul cas Brédoumy. « Ce n'est pas une affaire d'opposition ou de parti au pouvoir, c'est le principe même qui nous protège qui est mis à mal », alerte Me Blessy dans une déclaration aux députés. Si cette garde à vue passe, n'importe quel élu pourra être arrêté demain dès lors que le parquet qualifiera les faits de « flagrants ». L'immunité parlementaire Brédoumy devient ainsi un enjeu pour l'ensemble du Parlement. « Vous serez gardé à vue un jour, parce que vous êtes un député qui n'a plus de protection », prévient l'avocat.

Ce débat n'est pas nouveau en Côte d'Ivoire. En 2019, le député d'opposition Alain Lobognon avait écopé d'un an de prison ferme pour « fausses nouvelles » après un message sur les réseaux sociaux. Le parquet avait déjà écarté son immunité au nom du flagrant délit. L'Union interparlementaire et l'Assemblée parlementaire de la Francophonie avaient alors dénoncé une interprétation « extensive » susceptible de fragiliser la séparation des pouvoirs. À un mois du scrutin législatif, l'arrestation du porte-parole du PDCI alourdit les tensions. Le PPA-CI de Laurent Gbagbo a déjà annoncé son boycott des élections. Le pouvoir, lui, défend une action judiciaire légitime face aux violences d'octobre qui ont fait onze morts. L'immunité parlementaire Brédoumy reste au cœur d'une bataille politique et juridique qui ne fait que commencer.

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