Ouraga Obou critiqué par Hermann Aboa: "le droit au service du prince"

Vendredi 5 Septembre 2025

Le professeur Ouraga Obou, rédacteur principal de la Constitution de 2016, affiche désormais ouvertement son soutien politique au président Alassane Ouattara en vue de la présidentielle 2025.


Ouraga Obou critiqué par Hermann Aboa: "le droit au service du prince" © Crédit photo DR
Ouraga Obou a franchi le Rubicon. Il a appelé les parents à soutenir le Président Alassane Ouattara lors d'une récente intervention publique à Gagnoa. Cette prise de position marque un tournant dans la carrière de celui qui fut président du comité d'experts chargé de rédiger la nouvelle Constitution ivoirienne en 2016.

L'éminent juriste, professeur agrégé de droit public et de science politique, transforme ainsi son statut de technicien du droit en militant politique assumé. Cette évolution interroge sur l'indépendance intellectuelle de celui qui avait conçu le texte fondamental censé régir la vie démocratique ivoirienne.

Le paradoxe est saisissant. En novembre 2016, le même Ouraga Obou expliquait lors d'une conférence de presse pourquoi "Monsieur Ouattara ne peut pas être candidat. Et vouloir le faire, c'est chercher encore à créer l'instabilité et les affrontements en Côte d'Ivoire". Cette déclaration contrastait déjà avec la réalité de la candidature d'Ouattara en 2020.

Aujourd'hui, proche du chef de l'État et artisan discret de plusieurs réformes institutionnelles, il entend mettre son influence intellectuelle et son expérience au service de la légitimation juridique et politique d'une nouvelle candidature présidentielle.

La Constitution de 2016, adoptée par référendum le 30 octobre avec 93,4% de "oui", devait selon ses concepteurs apporter stabilité et consensus. Un texte clair, équilibré, qui garantisse les droits et les devoirs de tous les Ivoiriens et soit un gage de stabilité, promettait-on à l'époque.

Pourtant, ce texte est rapidement devenu source de divisions. L'interprétation de ses articles sur la limitation des mandats présidentiels a alimenté la crise politique de 2020, provoquant des affrontements qui ont fait plusieurs dizaines de morts. Pr Ouraga Obou a déclaré que le président Alassane Ouattara était bel et bien éligible à la présidentielle d'octobre 2020, contredisant ses propres déclarations antérieures.

Un engagement qui divise l'opinion

Cette conversion politique ne passe pas inaperçue. Les critiques fusent, notamment de l'opposition qui dénonce un manque de cohérence. "Un homme qui n'a pas le courage de ses opinions", selon certains cadres politiques qui pointent les contradictions du juriste. 

Pour le journaliste ivoirien Hermann Aboa, cette évolution confirme que "la Constitution n'a jamais été une forteresse de démocratie, mais une citadelle aux portes sélectives".

L'engagement partisan du professeur Ouraga Obou pose des questions importantes sur le rôle des intellectuels dans la construction démocratique. Quand le concepteur d'une loi fondamentale devient le défenseur d'un homme politique, l'institution constitutionnelle perd-elle sa neutralité ? Cette interrogation traverse désormais les débats ivoiriens à l'approche de l'élection présidentielle de 2025.

Le choix d'Ouraga Obou illustre les liens étroits entre savoir juridique et pouvoir politique en Côte d'Ivoire. Son parcours, de la faculté de droit aux couloirs du palais présidentiel, dessine les contours d'une République où les frontières entre expertise technique et engagement partisan s'estompent.

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