Menu

Convocation de Brédoumy : l'immunité parlementaire en question

Mercredi 30 Avril 2025

La convocation du député Brédoumy Traoré suscite des interrogations sur le respect de l'immunité parlementaire et la séparation des pouvoirs en Côte d'Ivoire en 2025.


Convocation de Brédoumy : l'immunité parlementaire en question © Crédit photo DR
Convocation de Brédoumy : l'immunité parlementaire en question © Crédit photo DR
La convocation du député Brédoumy Kouassi Soumaïla Traoré par la préfecture de police d'Abidjan le 29 avril 2025 a ravivé le débat sur l'étendue et l'application de l'immunité parlementaire en Côte d'Ivoire. Le porte-parole du PDCI-RDA était invité à se présenter le 30 avril au service des enquêtes générales, une procédure qui a suscité des réactions contrastées, notamment de la part du président de l'Assemblée nationale.

L'affaire prend une dimension particulière dans un contexte de tensions politiques entre le pouvoir et l'opposition. Si la convocation a finalement été annulée, les échanges qu'elle a provoqués mettent en lumière des interprétations divergentes des textes constitutionnels et du principe de séparation des pouvoirs. Au cœur du débat : l'article 92 de la Constitution ivoirienne de 2016, qui encadre strictement les poursuites contre les membres du Parlement.

Des réactions qui divisent

Face à cette convocation, les réactions au sein de la classe politique ont été disparates. Le journaliste Ferro Bally n'a pas hésité à qualifier l'épisode de « violation des procédures », estimant que « la Côte d'Ivoire piétine son statut d'État de droit et plonge, chaque jour davantage, dans l'autoritarisme ». Il déplore notamment l'absence de solidarité parlementaire envers le député convoqué.

Le président de l'Assemblée nationale, Adama Bictogo, a adopté une position qui a surpris certains observateurs. Dans un communiqué officiel, il a rappelé que « tout parlementaire est tenu de répondre à toute convocation émanant des autorités compétentes », tout en invoquant paradoxalement « le principe de la séparation des pouvoirs ». Cette position a été interprétée par certains comme un affaiblissement du bouclier que constitue normalement l'immunité parlementaire.

Plus étonnant encore, selon plusieurs commentateurs, la réaction de Doho Simon, président du groupe parlementaire du PDCI-RDA, qui s'est félicité de l'annulation de la convocation en remerciant le ministre de l'Intérieur et le président de l'Assemblée nationale, alors que son collègue n'aurait fait, selon les défenseurs de l'immunité, que bénéficier d'un droit constitutionnel.

Le cadre constitutionnel en débat

Au cœur de la controverse se trouve l'article 92 de la Constitution ivoirienne, qui stipule clairement qu'« aucun membre du Parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il est membre, sauf le cas de flagrant délit ». Le texte précise également qu'« aucun membre du Parlement ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du bureau de la Chambre dont il est membre ».

Pour les juristes attachés à une lecture stricte de la Constitution, une simple convocation à la préfecture de police, sans autorisation préalable de l'Assemblée nationale, constitue déjà une entorse à ces dispositions. Ils soulignent que l'immunité parlementaire n'est pas un privilège personnel mais une protection institutionnelle visant à garantir l'indépendance du pouvoir législatif.

D'autres observateurs nuancent cette interprétation, distinguant une simple audition d'une procédure judiciaire formelle. Ils rappellent que l'immunité n'est pas absolue et ne doit pas entraver le cours normal de la justice, particulièrement dans des affaires qui ne concerneraient pas l'exercice du mandat parlementaire.

L'annulation de la convocation, si elle a clos temporairement l'incident, n'a pas tranché le débat de fond. Certains y voient un retour à la normale, d'autres le signe d'un arbitraire inquiétant où les procédures constitutionnelles sont appliquées ou suspendues selon des considérations politiques plutôt que juridiques.

Cette affaire s'inscrit dans un contexte plus large de tensions politiques, notamment autour du cas de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, dont la radiation des listes électorales a été annoncée. Le parti a prévu des manifestations à partir du 2 mai 2025 pour protester contre cette décision et exiger sa réinscription.

Le traitement de la convocation du député Brédoumy semble ainsi révélateur des fragilités institutionnelles et des interprétations fluctuantes du droit constitutionnel dans un pays où l'équilibre des pouvoirs demeure un enjeu central du débat démocratique.

A LIRE AUSSI


Lois et règlements | Vidéos | Actualité | Eco-Finance | Concours administratifs | Sports | Conseil des ministres | Politique | Société | Médias


Inscription à la newsletter





Flux RSS