Désinformation, les administrateurs désormais poursuivis en Côte d'Ivoire : les réseaux sociaux sous surveillance judiciaire renforcée

Vendredi 26 Septembre 2025

Koné Braman Oumar, procureur de la République, a interpelé ce 26 septembre administrateurs et influenceurs sur leur responsabilité face aux contenus haineux qui prolifèrent avant l'élection présidentielle 2025 sur les réseaux sociaux en Côte d'Ivoire.


Koné Braman Oumar, procureur de la République, a mis en garde blogueurs et influenceurs ce 26 septembre sur leur responsabilité pénale © Crédit photo DR
Koné Braman Oumar a organisé ce 26 septembre 2025 une rencontre inédite avec les acteurs des médias sociaux à Abidjan. Le procureur de la République a posé les bases d'un changement de stratégie judiciaire. « Jusqu'à présent, toute la répression concernait véritablement les auteurs, c'est-à-dire les internautes qui ont fait des publications », explique-t-il devant une assemblée de blogueurs, influenceurs et administrateurs de sites.

La nouveauté réside dans l'extension de la responsabilité pénale. « Il a lieu de s'interroger est-ce que les responsables des sites sur les réseaux sociaux, la presse en ligne, les blogueurs, les influenceurs n'ont pas une responsabilité dans la publication des fausses informations », martèle le magistrat. Cette approche transforme radicalement la donne pour les gestionnaires de plateformes digitales.

Obligations légales renforcées

L'article 103 de la loi sur la presse, modifiée en décembre 2022, établit clairement la responsabilité du directeur de publication. « Il est considéré comme l'auteur principal de toutes les publications diffusées sur sa plateforme », précise Koné Braman Oumar. Cette disposition légale s'applique même « s'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ».

Le procureur exige des mesures concrètes. Les entreprises de production d'informations numériques doivent compter « au titre de leur personnel permanent des modérateurs qualifiés » justifiant d'une « solide connaissance des règles déontologiques ». Ces modérateurs ont pour mission de « vérifier et contrôler les contenus », « s'assurer que les informations publiées sont vérifiées et fiables » et « retirer rapidement tout contenu manifestement illicite signalé ».

Durcissement des sanctions en période préélectorale

À 29 jours de l'élection présidentielle, le procureur annonce un tournant répressif. « Au sorti de cette salle, nous passons à un niveau supérieur », avertit-il. La modification de 2023 de la loi sur la cybercriminalité a considérablement alourdi les peines. Les propos racistes ou xénophobes sont désormais passibles de 10 à 20 ans d'emprisonnement, contre des sanctions plus légères auparavant.

« La création ou diffusion d'écrits, messages, photos, sons, vidéos de nature raciste » via un système d'information expose à ces nouvelles peines maximales. Pour les injures, les sanctions oscillent entre un mois et dix ans d'emprisonnement, assorties d'amendes pouvant atteindre 20 millions de francs CFA. « Ce ne sont pas des menaces, mais c'est la vérité », insiste Koné Braman Oumar.

Le magistrat recommande vivement aux administrateurs de rédiger des chartes éditoriales strictes. « Vous vous engagez à fournir des informations exactes, vérifiées et objectives », détaille-t-il. Ces chartes doivent interdire « la diffusion de fausses informations, les propos injurieux, les appels à la violence et à l'insurrection, les discours haineux discriminatoires ».

L'enjeu dépasse la simple régulation des réseaux sociaux. Koné Braman Oumar vise à préserver la cohésion sociale avant un scrutin sensible. « Nous voulons que cette période électorale se passe sans difficulté », conclut-il, promettant une surveillance accrue des contenus numériques dans les semaines à venir.

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