Tidjane Thiam à Norbert Navarro sur la présidentielle 2025 : "50% des Ivoiriens sont privés de leur choix"

Jeudi 23 Octobre 2025

À 48 heures du scrutin, Tidjane Thiam, le président du PDCI, s'est exprimé ce 23 octobre 2025 dans une conversation avec les journalistes Atumgblan Nsan et Norbert Navarro et dénonçant les conditions d'une élection qui écarte des candidats.


Tidjane Thiam à Norbert Navarro sur la présidentielle 2025 © Crédit photo DR
Jeudi soir, à quelques heures de la clôture de la campagne électorale, Tidjane Thiam s'est confié en exclusivité sur YouTube depuis Paris. Le président du PDCI-RDA, écarté de la course présidentielle, a dressé un constat sévère du scrutin du 25 octobre. « Les candidats écartés représentent 52% des Ivoiriens », a-t-il martelé face aux journalistes Norbert Navarro et Atumgblan Nsan. Pour lui, impossible de parler d'élection démocratique quand « la moitié de la population est privée du choix qu'elle aurait voulu exprimer ».

L'ancien patron de Credit Suisse a rappelé son engagement de longue date pour l'inscription massive des électeurs. En 2024, il avait sillonné plus de dix villes pour mobiliser lors de la révision des listes électorales. Résultat : 943 000 nouveaux inscrits, un record qu'il revendique. Mais le compte n'y est toujours pas. « Il manque 4 à 5 millions d'électeurs sur les listes », insiste-t-il, citant des chiffres désormais admis même par ses adversaires. La Côte d'Ivoir e affiche le taux d'inscription le plus bas d'Afrique, derrière le Libéria, le Bénin ou le Sénégal.

Un parallèle avec 2000 et l'appel au dialogue

Atumgblan Nsan a rappelé une interview explosive d'Alassane Ouattara au Parisien en octobre 2000. À l'époque, l'actuel président dénonçait sa propre exclusion par la Cour suprême comme « une décision inique » et contestait la légitimité de Laurent Gbagbo. « Est-ce qu'on n'est pas dans un remake de l'histoire ? », a questionné le journaliste. Tidjane Thiam n'a pas détourné la comparaison. « Depuis un an et demi, nous réclamons un dialogue. Un dialogue, un dialogue, un dialogue », a-t-il répété, martelant que les conditions du scrutin déterminent directement ce qui se passera après.

Le 18 octobre, jour anniversaire de la naissance de Félix Houphouët-Boigny, le président du PDCI avait publié un message solennel. « Le dialogue reste l'arme des forts », y écrivait-il, citant le père fondateur. « Jamais il n'est trop tard pour dialoguer. La paix est encore possible. Agissons maintenant, le monde nous regarde, l'histoire nous jugera. » Une semaine plus tard, lors d'un meeting à Paris, ses mots ont fait polémique : « On a sept jours pour libérer la Côte d'Ivoire. » À Abidjan, certains y ont vu un appel à l'insurrection. Tidjane Thiam a balayé les accusations : « Est-ce que les Ivoiriens sont libres ? Je vous réponds clairement que non. Je veux les libérer de la peur et de l'esclavage de l'argent. »

Le scandale des « Papers immobiliers »

L'interview a aussi porté sur les révélations du jour concernant le patrimoine immobilier de la famille Ouattara. Un portail internet a publié des documents attestant de 124 propriétés en France, dont un acte notarié signé le 4 août 2011 par Alassane et Dominique Ouattara, moins de quatre mois après leur installation au pouvoir. Prudent, Tidjane Thiam a refusé de commenter des documents qu'il n'a pas pu vérifier. « C'est à vous, journalistes, de faire votre travail », a-t-il renvoyé.

Sur le fond, l'ancien banquier a défendu sa vision d'une économie portée par des entrepreneurs, pas par des « fonctionnaires milliardaires ». « Si ces sommes avaient été investies dans l'économie ivoirienne, elles ne me poseraient pas de problème. Il y aurait des milliers d'emplois derrière », a-t-il expliqué. « Quand je vois ça s'investir dans la pierre à Paris, je trouve ça dommage alors que nous avons un pays qui a besoin d'investissement. » Il a aussi dénoncé le non-versement de la subvention légale due au PDCI : « On n'a pas reçu un centime cette année. Comment bâtir une démocratie quand on refuse de verser aux partis leur dû ? »

Samedi, Tidjane Thiam n'ira pas voter. Sa position reste inchangée : dialogue et report du scrutin. En attendant, il continue son travail de terrain, même depuis Paris. Hier, lors de sa marche quotidienne, une jeune Ivoirienne l'a reconnu et lui a demandé d'adhérer au PDCI. Le soir même, un email était envoyé au responsable des adhésions. « 75 000 nouveaux adhérents depuis mon retour », se félicite celui qui se définit comme « un sergent recruteur ». À 63 ans, l'homme qui a dirigé Prudential et Credit Suisse veut croire encore au réveil démocratique de son pays.

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