Les meetings et manifestations politiques interdits en Côte d'Ivoire pendant deux mois

Vendredi 17 Octobre 2025

Un arrêté ministériel signé le 16 octobre 2025 frappe d'interdiction tous les meetings de partis politiques en Côte d'Ivoire sur le territoire national jusqu'en décembre.


Les meetings et manifestations politiques interdits en Côte d'Ivoire pendant deux mois © Crédit photo DR
Meetings et manifestations interdits pendant deux mois en Côte d'Ivoire. L'arrêté interministériel signé le 17 octobre par le ministre de l'Intérieur Vagondo Dionande et le ministre de la Défense Téné Birahima Ouattara gèle toute activité politique publique sur le territoire national. Seule exception : les rassemblements liés à la campagne pour la présidentielle du 25 octobre prochain.

La mesure tombe à neuf jours du scrutin. Elle vise directement l'opposition qui multiplie les appels à manifester depuis le rejet des candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam par le Conseil constitutionnel, le 8 septembre dernier. Le texte officiel prévoit des « poursuites judiciaires » contre tout contrevenant. Une ligne rouge tracée dans l'urgence.

Une répression qui s'intensifie

Les chiffres donnent la mesure de la tension. « Pour le moment, nous avons interpellé environ 700 personnes », a annoncé jeudi le procureur de la République près le tribunal d'Abidjan, le magistrat Koné Braman Oumar. Un bilan provisoire qui pourrait grimper. Le magistrat a prévenu que son parquet « va avoir la main lourde » lors des audiences.

La marche du 11 octobre organisée par le Front Commun PDCI-PPA-CI a tourné au bras de fer. Interdite par le préfet d'Abidjan, elle a été étouffée par les forces de l'ordre à coups de gaz lacrymogènes dans le quartier de Cocody. Selon les autorités, 237 arrestations à Abidjan, 18 à Dabou. Des jeunes ont tenté de se rassembler malgré le dispositif sécuritaire. En vain.

Le procureur Koné Braman Oumar s'est directement adressé à la jeunesse dans sa déclaration. « Je vous dis de penser à votre carrière. Ne brisez pas votre carrière pour des hommes politiques cachés derrière des caméras, et qui vous lancent des messages d'appel à l'insurrection », a-t-il lancé. Un avertissement qui sonne comme une menace à peine voilée.

Le magistrat a qualifié la manifestation du 11 octobre de bien plus qu'une « simple marche de protestation contre un arrêté préfectoral ». Sans préciser davantage. Cette rhétorique alimente les inquiétudes sur les charges qui pèseront sur les 700 interpellés. Certains risquent des peines lourdes.

Amnesty International monte au créneau

L'ONG de défense des droits humains dénonce des « arrestations massives » et exige la libération immédiate des manifestants. « Les autorités ivoiriennes doivent respecter et protéger le droit de manifester et autoriser la tenue de rassemblements pacifiques », a déclaré Amnesty International ce jeudi.

Marceau Sivieude, directeur régional pour l'Afrique de l'Ouest, pointe l'illégalité du dispositif : « Le recours à des interdictions générales des manifestations montre que les autorités ivoiriennes échouent à respecter le droit à la liberté de réunion pacifique. » L'organisation rappelle que la Côte d'Ivoire a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Sur le papier au moins.

Le Conseil national de sécurité a annoncé dès le 2 octobre que toutes les « mesures nécessaires » seraient prises pour maintenir l'ordre pendant la période électorale. Résultat : 44 000 soldats déployés sur le terrain. Un dispositif militaire sans précédent pour encadrer le scrutin.

L'opposition ne désarme pas. Le Front Commun PDCI-PPA-CI a appelé à des manifestations quotidiennes pour réclamer un dialogue politique et la participation de Gbagbo et Thiam à l'élection. Le 11 octobre au soir, les forces de sécurité ont même temporairement encerclé la résidence de Pascal Affi N'Guessan, figure de l'opposition, avant de se retirer.

Le président Alassane Ouattara figure parmi les cinq candidats retenus par le Conseil constitutionnel. À neuf jours du vote, le pays retient son souffle. L'interdiction des manifestations jusqu'en décembre a figé le jeu politique. Reste à savoir si le scrutin du 25 octobre se tiendra dans un climat apaisé ou sous couvercle.

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