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Soutien à Tidjane Thiam : les Chefs traditionnels baoulés divisés sur la question

Dimanche 15 Juin 2025

Division inédite chez les Chefs traditionnels baoulés sur Thiam. Autorités traditionnelles s'opposent au soutien politique et revendiquent leur rôle de médiateurs.


Les Chefs traditionnels baoulés divisés sur la question Tidjane Thiam avant présidentielle octobre 2025 © Crédit photo DR
Les Chefs traditionnels baoulés divisés sur la question Tidjane Thiam avant présidentielle octobre 2025 © Crédit photo DR
La division inédite chez les chefs baoulés révèle une fracture profonde au sein de l'institution traditionnelle la plus influente de Côte d'Ivoire. Deux camps s'affrontent désormais : les partisans de l'engagement pro-Thiam et les défenseurs de la neutralité ancestrale, créant une situation inédite depuis l'indépendance.

La rupture éclate au grand jour avec la publication d'une déclaration de désaveu le 14 juin 2025. Sept autorités régionales condamnent fermement leurs homologues ayant participé à la mobilisation du 7 mai à Yamoussoukro en faveur du président du PDCI exclu de la liste électorale.

Cette confrontation oppose deux visions de l'exercice du pouvoir traditionnel : d'un côté, les chefs favorables à un engagement direct dans les débats politiques contemporains ; de l'autre, les gardiens de la doctrine de non-ingérence héritée d'Houphouët-Boigny.

Le député Yao Yao Lazare, organisateur de la rencontre contestée, avait réuni plusieurs chefs de Akoué et Nanantfoué pour exprimer leur solidarité avec Tidjane Thiam. Cette initiative provoque aujourd'hui une crise de légitimité sans précédent.

La bataille

Les défenseurs de la neutralité traditionnelle mobilisent l'histoire pour légitimer leur position. Ils rappellent que "le peuple Baoulé a toujours su faire preuve de retenue et de résilience", invoquant cette sagesse séculaire contre les dérives partisanes contemporaines.

Nanan N'Goran Koffi II du Gbêkê mène cette offensive conservatrice aux côtés de six autres chefs régionaux. Leur coalition représente l'establishment traditionnel face aux dissidents pro-Thiam qu'ils accusent de trahir l'héritage ancestral.

"Jamais les chefs du Grand V Baoulé ne se sont risqués à de telles prises de positions publiques", martelent-ils, établissant une continuité historique depuis l'époque coloniale jusqu'aux crises récentes, y compris le coup d'État de 1999.

Cette revendication d'orthodoxie vise à délégitimer leurs adversaires internes en les présentant comme des innovateurs dangereux rompant avec la tradition. L'enjeu dépasse la seule question de Thiam pour toucher à l'identité même de l'institution coutumière.

Instrumentalisation politique dénoncée

La hiérarchie traditionnelle officielle dénonce vigoureusement ce qu'elle perçoit comme une manipulation de l'autorité coutumière à des fins électorales. Elle refuse catégoriquement de voir l'institution devenir un instrument de campagne pour quelque candidat que ce soit.

"Laisser sous-entendre une partialité politique de tout le peuple Baoulé", voilà le risque que redoutent les signataires de la déclaration du 14 juin. Cette crainte d'ethnicisation du débat politique guide leur stratégie de distanciation.

L'assemblée des chefs officielle, forte de plus de 2000 membres, oppose sa légitimité numérique aux initiatives isolées des partisans de Thiam. Cette bataille des chiffres révèle l'ampleur de la mobilisation conservatrice.

Les autorités traditionnelles invoquent leur mission de "médiation" pour justifier leur refus d'engagement partisan. Elles revendiquent un rôle d'arbitrage social transcendant les clivages politiques temporaires.

Mémoire traumatique

L'expérience des crises successives depuis 1993 nourrit la méfiance des chefs traditionnels envers tout engagement susceptible de raviver les tensions communautaires. Ils évoquent explicitement "les profondes déchirures laissées dans la mémoire collective Baoulé".

Cette référence aux violences passées - "pertes en vies humaines", "destructions des biens" - sert d'argument dissuasif contre les initiatives pro-Thiam. La chefferie officielle brandit le spectre du chaos pour justifier sa prudence.

"La déconstruction du modèle social ivoirien", expression utilisée dans leur déclaration, résume leurs craintes face à une polarisation ethnique de la campagne électorale. Cette formule dramatique révèle l'ampleur de leurs préoccupations.

L'invocation des "vieux démons" et de leurs "déluges de feux" s'adresse directement aux partisans de l'engagement politique, les mettant en garde contre les conséquences potentielles de leurs initiatives.

Enjeux de légitimité et d'influence

Cette division fragilise l'influence traditionnelle du V Baoulé dans la politique nationale. Face aux 2,5 millions d'électeurs de cette communauté, les autorités coutumières voient leur capacité d'orientation des votes remise en question par leurs divisions internes.

Les chefs pro-neutralité misent sur leur représentativité institutionnelle pour l'emporter dans ce bras de fer. Ils comptent sur leur ancrage historique et leur légitimité collective face aux dissidents qu'ils présentent comme minoritaires.

Cette bataille pour le contrôle de l'institution coutumière baoulé déterminera l'influence de cette communauté dans l'élection présidentielle d'octobre 2025. L'issue de ce conflit interne conditionnera la capacité des chefs à peser sur les choix électoraux de leur base.

Le camp conservateur table sur la sagesse traditionnelle et la peur du chaos pour reconquérir l'unité perdue. Mais les partisans de Thiam disposent de l'argument du renouveau et de l'engagement nécessaire face aux défis contemporains.

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