Thiam dénonce les arrestations en Côte d'Ivoire à quelques jours de la présidentielle 2025 : "On nous interdit de nous exprimer"

Lundi 13 Octobre 2025

Tidjane Thiam se prononce sur le pouvoir d'Alassane Ouattara pour sa gestion de l'opposition. Le président du PDCI dénonce les bastonnades, les arrestations et l'interdiction des manifestations à quelques jours du scrutin présidentiel.


Thiam dénonce les arrestations en Côte d'Ivoire à quelques jours de la présidentielle 2025 © Crédit photo DR
Ce lundi 13 octobre, Tidjane Thiam ne mâche pas ses mots. Le ton du président du PDCI est grave, presque attristé. « Nous avons attendu 2025 avec impatience. Nous pensions que ce serait un moment où nous pourrions présenter nos idées pour améliorer la situation », confie-t-il. Au lieu de cela, c'est un climat de tension qui règne. Les images de violence sont devenues quotidiennes depuis quelques jours : des militants frappés, des femmes maltraitées, du gaz lacrymogène dispersé dans les rues.

Pour Thiam, ce basculement est incompréhensible. Jusqu'à mi-septembre, l'opposition avait organisé des manifestations de masse sans incidents. Le 14 juin, puis le 9 août, des milliers de Ivoiriens s'étaient rassemblés pacifiquement. Tous s'étaient félicités de la modération. Alors pourquoi soudain ce débordement ? Le PDCI pointe du doigt une responsabilité claire : l'interdiction des manifestations décrétée par les autorités. « Pourquoi créer un climat où on interdit aux uns et aux autres d'exercer une liberté fondamentale qui est la liberté de manifester pacifiquement ? » demande le leader d'opposition.

Deux militants du PDCI en première ligne

Parmi les victimes, le PDCI en revendique deux : Djeneba Soumouarou et Assata Cherif. Soumouarou a été filmée en train de se faire brutalement frapper par les forces de l'ordre. Les images ont fait le tour des réseaux sociaux et des chaînes d'information mondiale. « Une personne pacifique, énergique, fantastique, traitée de façon très violente », la décrit Thiam. Quant à Assata Cherif, elle a été arrêtée simplement pour avoir parlé à la presse étrangère. Voilà ce qui irrite profondément le PDCI : l'escalade répressive face à des gestes ordinaires de citoyens.

Cette répression, Thiam la juge contre-productive pour l'image de la Côte d'Ivoire. « Ça alimente les préjugés de ceux qui ont une image négative de l'Afrique et qui pensent qu'on est le continent du chaos, le continent du désordre. Je le regrette profondément en tant qu'Africain, en tant qu'Ivoirien, en tant que Noir. »

L'argument des chiffres qui dérange le régime

Voilà le cœur de la contradiction que Thiam expose avec une certaine verve : le gouvernement affirme avoir bien gouverné depuis 15 ans et récolte 80 % aux élections législatives. Si c'est vrai, comment expliquer le déploiement de 44 000 membres des forces de l'ordre pour organiser une élection ? Comment justifier l'interdiction des manifestations ? « Les deux choses ne peuvent pas être vraies en même temps », tranche le président du PDCI.

C'est un argument politique d'une efficacité redoutable. Comment être à la fois exemplaire internationalement et avoir peur de ce que pense sa population ? Comment être satisfaisant dans les urnes et devoir la réprimer pour lui interdire de s'exprimer ? Le régime ne peut pas, selon Thiam, prétendre au succès tout en agissant comme un État fragile.

Thiam ramène le débat à ce qu'il appelle l'authenticité de l'héritage Houphouët. Car le régime Ouattara se réclame de l'Houphouëtiste. Mais « l'Houphouëtisme, c'est le dialogue. L'Houphouëtisme c'est la paix. L'Houphouëtisme c'est la non-violence. Ce n'est pas d'aller s'incliner sur la tombe du président Houphouët. C'est par son comportement être fidèle à son héritage spirituel, un message d'amour de son prochain. »

Pour appuyer son propos, Thiam remonte l'histoire. Le président Houphouët, dit-il, n'était pas favorable au multipartisme au départ. Pourtant, en 1990, il a autorisé Laurent Gbagbo à se présenter contre lui. Gbagbo lui-même, en 2010, a autorisé Alassane Ouattara à concourir pour la présidence. « C'est ça être un garçon », résume Thiam en employant une expression qui résonne familièrement en Côte d'Ivoire : accepter la compétition électorale loyalement.

L'espoir comme dernier rempart

À quelques jours du scrutin, Thiam joue la carte de l'espoir. « L'espoir c'est comme l'oxygène, c'est indispensable à la vie humaine. Pour qu'une société prospère, il faut que les individus puissent espérer. Et nous avons redonné l'espoir aux Ivoiriens depuis un an et demi. »

Le PDCI et son leader tentent de mobiliser sur la promesse d'une Côte d'Ivoire différente : où règne l'amour du prochain, où gouverner signifie servir tous les citoyens et non un groupe, où la justice est indépendante et ne peut pas être instrumentalisée par l'État. « Cette autre Côte d'Ivoire est possible. Non seulement elle est possible, mais elle sera », affirme Thiam.

Reste à voir si ce message de rupture parviendra à peser face au rouleau compresseur de la machine gouvernementale. Avec 44 000 policiers dans les rues et un climat électoral devenu électrique, la campagne finale ressemble moins à un débat d'idées qu'à un bras de fer.

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