Vincent Toh Bi s'interroge : "Est-on obligé de confisquer les libertés pour développer un pays ?"

Mardi 16 Décembre 2025

Vincent Toh Bi Irié livre un témoignage sur la gouvernance africaine. L'ancien préfet d'Abidjan rappelle les errances politiques observées durant sa carrière.


Vincent Toh Bi Irié, ancien préfet d'Abidjan © Crédit photo DR
Vincent Toh Bi Irié pose une question dérangeante sur la gouvernance en Afrique. Ancien préfet d'Abidjan et ancien directeur de programmes dans une institution internationale, il raconte son parcours diplomatique entre 2000 et 2010. De Londres à New York, en passant par Paris et Bruxelles, il a sillonné les capitales occidentales pour plaider la cause du continent. « Est-on obligé de confisquer les libertés pour pouvoir développer un pays ? », l'interrogation d'un diplomate britannique le hante encore aujourd'hui.

Ce professionnel a fréquenté les plus hautes sphères du pouvoir. Le 10 Downing Street, le Quai d'Orsay, le State Department américain ou encore le siège des Nations-Unies à New York figuraient parmi ses destinations régulières. Vincent Toh Bi Irié multipliait les rencontres avec les ministres des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Les pays nordiques comme le Danemark, la Norvège, la Suède et la Finlande investissaient massivement dans la stabilité africaine, malgré l'absence de passé colonial.

Une Afrique déchirée

Le continent traversait alors une période trouble. L'Afrique du Sud sortait de l'apartheid mais connaissait encore des affrontements violents. La RDC et la Centrafrique subissaient la guerre. Le Rwanda portait les cicatrices du génocide. Le Burundi tentait d'éteindre ses rebellions. La Côte d'Ivoire plongeait dans le chaos. Le Liberia et la Sierra Leone pansaient leurs blessures. La Somalie avait perdu son statut d'État. Le Zimbabwe s'écroulait. Le Soudan se déchirait entre ses territoires.

Vincent Toh Bi Irié organisait des projets d'aide et sensibilisait les bailleurs internationaux. Mais les remarques fusaient dans les couloirs des ministères. « Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi ce sont vos propres élites, qui sont allées dans de grandes écoles et universités, qui sont à la base de la mauvaise gouvernance, des rebellions, des crises et de la dictature dans vos pays », lançaient certains diplomates. L'ancien préfet d'Abidjan se souvient : « Quand on vient mendier l'aide, on ne répond pas à ce genre de remarques. On sourit et on reste très concentré sur le résultat final. »

La leçon de Rupiah Banda

L'ancien président zambien Rupiah Banda a marqué Vincent Toh Bi Irié. Devenu son mentor, ce dirigeant lui a transmis une vision différente du pouvoir. « Si tu ne fais pas attention en tant que président, si tu ne cultives pas une grande force intérieure, si tu n'as pas de ministres et de conseillers capables de te dire certaines vérités, tu risques de sombrer dans l'arbitraire », lui confiait Banda. Le président zambien évoquait sa défaite électorale avec émotion.

« Quand le président de notre commission électorale m'a appelé pour m'informer que je venais de perdre l'élection présidentielle avant d'annoncer les résultats officiellement, malgré mon bilan largement positif, j'ai eu très mal. J'ai même pleuré. Mais j'ai décidé de quitter le pouvoir, par respect pour mon pays, pour le peuple et pour ses institutions », racontait Rupiah Banda. Décédé il y a plus de trois ans, l'ancien dirigeant reste dans la mémoire des Zambiens et des Africains de l'Est comme un bon président.

Quinze à vingt ans après ces missions diplomatiques, Vincent Toh Bi Irié observe les mêmes comportements en Afrique. Les dérives qui ont mené au chaos se répètent. L'ancien préfet d'Abidjan s'interroge sur les leçons tirées pour consolider les États africains. La question de son collègue britannique résonne encore : « Est-ce qu'on est obligé de confisquer les libertés des citoyens pour pouvoir développer un pays ? »

Cette réflexion traverse les générations de dirigeants africains. Entre développement économique et respect des libertés individuelles, le débat reste ouvert. Vincent Toh Bi Irié invite les élites africaines à repenser leur rapport au pouvoir et à la gouvernance.

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