127e rencontre de l'Épiscopat ivoirien : avant la présidentielle 2025, les évêques dénoncent une "démocratie armée" en Côte d'Ivoire

L'Épiscopat ivoirien a entamé sa 127e rencontre le mardi 20 mai 2025 au Centre Jean-Paul Ier de Kodjoboué, à Bonoua. Dès l'ouverture de cette assemblée plénière, Mgr Marcellin Yao Kouadio, évêque de Daloa et président de la Conférence épiscopale, a exprimé des inquiétudes quant aux pratiques politiques actuelles. Il a notamment dénoncé "le mode d'accession ou de maintien à tout prix au pouvoir ou trône" qui, selon lui, "engendre souvent la culture du mensonge, de la violence et de la mort".

Cette prise de position intervient dans un contexte préélectoral sensible, à quelques mois du scrutin présidentiel prévu pour la fin de l'année. Les évêques ont choisi d'aborder frontalement les questions de gouvernance et d'alternance politique, sujets qui cristallisent les tensions dans le pays. La cérémonie d'ouverture a réuni de nombreuses autorités administratives, civiles, militaires et traditionnelles, témoignant de l'importance accordée à cette rencontre ecclésiale.

Dans son homélie prononcée lors de la messe solennelle à l'église Toussaint de Bonoua, Mgr Kouadio a détaillé les maux qui, selon lui, minent la démocratie ivoirienne. Il a pointé du doigt ce qu'il qualifie de "démocratie armée avec son cortège de faux martyrs, un climat de terreur et d'intimidation, la fracture sociale, la crise de confiance doublée d'injures grossières sur les réseaux sociaux, la fraude sur les résultats des urnes et la violence électorale, la justice sans justice car trop sélective".

Ces propos, particulièrement directs, s'inscrivent dans la tradition de l'Église catholique ivoirienne qui a souvent joué un rôle de médiation dans les crises politiques du pays. Le président de la Conférence épiscopale a conclu cette partie de son intervention par un appel patriotique : "Chers frères et sœurs, au-delà des spéculations politiques et des vents idéologiques, la Côte d'Ivoire notre Mère Patrie est notre bien commun à préserver coûte que coûte".

Lors de l'ouverture officielle des travaux, Mgr Marcellin Kouadio a présenté les axes majeurs qui structureront cette session de cinq jours. Sur le plan ecclésial, les évêques examineront les rapports des secrétaires exécutifs et aumôniers nationaux, et finaliseront les normes complémentaires au Code de droit canonique, parmi d'autres dossiers internes.

Concernant les questions nationales, l'agenda prévoit une évaluation de la situation sociopolitique dans le contexte électoral de 2025 et une analyse de l'impact du message épiscopal du 24 mars dernier sur l'opinion publique. Les prélats préparent également l'adoption d'une lettre pastorale spécifique en vue de la prochaine élection présidentielle, document qui devrait préciser la position officielle de l'Église catholique face aux enjeux électoraux.

Cette 127e session revêt une importance particulière puisqu'elle s'inscrit dans le cadre des célébrations du jubilé d'or de la Conférence épiscopale ivoirienne, qui fête ses 50 ans d'existence. Le Père Jean Bonzo Kouassi, vicaire général du diocèse de Grand-Bassam, a d'ailleurs esquissé des pistes de réflexion sur ce demi-siècle lors de son allocution de bienvenue.

La dimension internationale de l'événement a été soulignée par la lecture d'un message du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-Siège, transmis par Mgr Mauricio Rueda Beltz, nonce apostolique en Côte d'Ivoire. Le cardinal y exprime "la proximité spirituelle du pape Léon XIV" et salue "le parcours remarquable de la Conférence épiscopale ivoirienne, devenue au fil des décennies un pilier pour l'Église et la société".

Les travaux de cette assemblée plénière se poursuivront jusqu'au dimanche 25 mai, date de la messe conclusive qui se tiendra à l'église Saint-Esprit de Mockeyville. Cette célébration marquera également le point culminant des festivités de clôture du jubilé d'or de la Conférence épiscopale, réunissant fidèles et autorités autour des évêques du pays.