Mamadou Touré sur TV5MONDE : "La loi qui fait obstacle à Tidjane Thiam date de 1961"

Mardi 6 Mai 2025

Dans un entretien accordé à TV5MONDE le 5 mai 2025, Mamadou Touré, ministre ivoirien, défend la décision judiciaire écartant Tidjane Thiam de la présidentielle d'octobre en Côte d'Ivoire.


Mamadou Touré sur TV5MONDE : "La loi qui fait obstacle à Tidjane Thiam date de 1961" © Crédit photo DR
Présidentielle en Côte d'Ivoire : l'exclusion de Tidjane Thiam de la course électorale continue de faire des vagues. Après le rassemblement de plusieurs milliers de personnes samedi dernier à Abidjan pour soutenir le chef du PDCI-RDA, écarté par une décision judiciaire, le gouvernement riposte. Dans un entretien accordé à TV5MONDE le 5 mai, Mamadou Touré, ministre de la Jeunesse et porte-parole adjoint du gouvernement, a vertement critiqué la réaction de Tidjane Thiam face à cette décision.

La charge est directe et sans ambages. Pour le ministre, l'attitude de Tidjane Thiam, qui aurait qualifié la loi sur la nationalité de "loi sombre", est incompatible avec ses ambitions présidentielles : "Lorsqu'on aspire à gérer un pays, lorsqu'on aspire à gouverner un pays, on n'insulte pas les lois de son pays."

Une loi antérieure à la naissance de Tidjane Thiam

Interrogé sur les accusations d'instrumentalisation de la justice pour écarter Tidjane Thiam de la compétition électorale, Mamadou Touré répond avec ironie : "Le pouvoir aurait anticipé en 1961 que M. Tidjane Thiam, qui n'était pas encore né, serait candidat en 2025."

Le ministre rappelle l'ancienneté de la législation en question : "La loi aujourd'hui qui fait obstacle à l'ambition de Tidjane Thiam est une loi qui a été adoptée en 1961, quand notre pays obtenait nouvellement son indépendance." Sans commenter directement la décision de justice, il insiste sur le fait que "cette loi est antérieure à la naissance de Tidjane Thiam."

Plus frappant encore, Mamadou Touré rappelle le lien familial entre le chef du PDCI-RDA et l'un des instigateurs de cette loi : "Je trouve choquant qu'il ait traité la loi sur la nationalité de notre pays de 'loi sombre'. Je veux rappeler que c'est son grand-oncle, Félix Houphouët-Boigny, et les pères fondateurs qui ont instauré cette loi. Et c'est cette loi qui a permis à son père, Amadou Thiam, de devenir Ivoirien, d'être naturalisé."

Au-delà de l'affaire Thiam, Mamadou Touré rejette catégoriquement l'idée d'un dialogue politique réclamé par l'opposition, qui prévoit un rassemblement le 31 mai. "Nous avons dialogué en 2021 et tous les points qui font l'objet des revendications de l'opposition ont été passés au peigne fin", affirme-t-il.

Le ministre rappelle qu'à l'issue du dialogue de 2021, un consensus avait été trouvé sur la Commission électorale indépendante (CEI), notamment en permettant au PDCI d'obtenir un représentant. "D'où vient-il que cette opposition avec qui nous avons eu un consensus sur la Commission électorale indépendante vienne remettre en cause aujourd'hui ce choix ?", s'interroge-t-il.

Pour le porte-parole du gouvernement, la demande de dialogue cache une stratégie : "Le dialogue s'entend par un cadre d'échange pour remettre en cause les acquis démocratiques et ne pas organiser les élections dans le temps imparti, c'est ce qu'ils veulent en réalité."

Une opposition accusée de craindre la compétition électorale

Mamadou Touré poursuit sa charge en accusant l'opposition de vouloir éviter l'affrontement démocratique. "C'est le même narratif qu'en 2020, c'est la même revendication. En réalité, c'est une opposition qui réchigne à aller au combat politique, qui a peur de la compétition et qui s'est battue déjà une élection présidentielle et qui est dans la surenchère pour éviter de se lancer dans un jeu démocratique."

Le ministre réfute également les critiques sur le système électoral actuel, que l'opposition, par la voix de Simone Gbagbo, a qualifié d'incapable de garantir la paix. "Ce système électoral n'a pas changé, est-ce que nous n'avons pas la paix en Côte d'Ivoire ?", rétorque-t-il, rappelant que plusieurs scrutins se sont déroulés sans incident majeur ces dernières années.

"En 2015, la présidentielle s'est passée dans de très bonnes conditions. En 2023, nous avons eu des élections locales saluées par toutes les parties. Les élections législatives de 2021 et l'élection locale de 2023 ont été saluées par toutes les parties. C'est de la mauvaise foi", affirme le ministre.

Pour appuyer sa critique de l'opposition ivoirienne, Mamadou Touré établit un parallèle avec le Sénégal, qu'il présente comme un modèle de maturité démocratique. "Les Sénégalais ont toujours eu la maturité démocratique. Ils dénoncent, oui, mais quand les institutions ont pris une décision, ils trouvent le mécanisme interne pour pouvoir donc pousser leurs idées et créer l'alternance", explique-t-il.

Le ministre évoque notamment l'exemple d'Ousmane Sonko qui, face à son inéligibilité, "n'a pas mis le Sénégal à feu et à sang" mais a soutenu Bassirou Diomaye Faye, aujourd'hui président de la République.

Sa critique de l'opposition ivoirienne atteint son paroxysme lorsqu'il déclare : "En Côte d'Ivoire, on a tout, sauf des démocrates. Vous avez en Côte d'Ivoire des putschistes, vous avez en Côte d'Ivoire des personnes qui ne respectent pas les règles démocratiques et qui rêvent aujourd'hui à ce qu'on n'ait pas des élections dans les délais constitutionnels."

Il conclut en opposant les deux situations : "Au Sénégal, c'est l'opposition et toute la classe politique qui s'est battue pour le maintien du délai constitutionnel pour organiser des élections. Mais en Côte d'Ivoire, vous avez une opposition qui se bat pour que les élections n'aient pas lieu dans les délais impartis pour nous entraîner dans l'incertitude. On ne l'a pas accepté en 2020, on ne l'acceptera pas en 2025."

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